Mon cahier de récitations
Le grillon
Un pauvre petit grillon
Caché dans l’herbe fleurie
Regardait un papillon
Voltigeant dans la prairie.
L’insecte ailé brillait des plus vives couleurs ;
L’azur, la pourpre et l’or éclataient sur ses ailes ;
Jeune, beau, petit maître, il court de fleurs en fleurs,
Prenant et quittant les plus belles. A
h ! disait le grillon, que son sort et le mien
Sont différents ! Dame nature
Pour lui fit tout, et pour moi rien.
Je n’ai point de talent, encor moins de figure.
Nul ne prend garde à moi, l’on m’ignore ici-bas :
Autant vaudrait n’existait pas.
Comme il parlait, dans la prairie
Arrive une troupe d’enfants :
Aussitôt les voilà courants
Après ce papillon dont ils ont tous envie.
Chapeaux, mouchoirs, bonnets, servent à l’attraper ;
L’insecte vainement cherche à leur échapper,
Il devient bientôt leur conquête.
L’un le saisit par l’aile, un autre par le corps ;
Un troisième survient, et le prend par la tête :
Il ne fallait pas tant d’efforts
Pour déchirer la pauvre bête.
Oh ! oh ! dit le grillon, je ne suis plus fâché ;
Il en coûte trop cher pour briller dans le monde.
Combien je vais aimer ma retraite profonde !
Pour vivre heureux, vivons caché.







La guêpe et l'abeille
Dans le calice d’une fleur
La guêpe un jour voyant l’abeille,
S’approche en l’appelant sa sœur.
Ce nom sonne mal à l’oreille
De l’insecte plein de fierté,
Qui lui répond : nous sœurs ! Ma mie,
Depuis quand cette parenté ?
Mais c’est depuis toute la vie,
Lui dit la guêpe avec courroux :
Considérez-moi, je vous prie :
J’ai des ailes tout comme vous,
Même taille, même corsage ;
Et, s’il vous en faut davantage,
Nos dards sont aussi ressemblants.
Il est vrai, répliqua l’abeille,
Nous avons une arme pareille,
Mais pour des emplois différents.
La vôtre sert votre insolence,
La mienne repousse l’offense ;
Vous provoquez, je me défends.

La vipère et la sangsue
La vipère disait un jour à la sangsue :
Que notre sort est différent !
On vous cherche, on me fuit, si l’on peut on me tue ;
Et vous, aussitôt qu’on vous prend,
Loin de craindre votre blessure,
L’homme vous donne de son sang
Une ample et bonne nourriture :
Cependant vous et moi faisons même piqûre.
La citoyenne de l’étang
Répond : oh que nenni, ma chère ;
La vôtre fait du mal, la mienne est salutaire.
Par moi plus d’un malade obtient sa guérison,
Par vous tout homme sain trouve une mort cruelle.
Entre nous deux, je crois, la différence est belle :
Je suis remède, et vous poison.
Cette fable aisément s’explique :
C’est la satire et la critique.

