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Jean-Pierre de Claris de Florian

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Issu d’une famille originaire de l'Albigeois  mais qui fit souche dans les Cévennes, Jean-Pierre Claris de Florian naît le 6 mars 1755, selon les historiens soit à Sauve soit sur la commune de Logrian du château de Florian acquis près d'un siècle auparavant par ses ancêtres, des protestants nouveaux convertis.  Il est l'aîné et le seul qui ne soit pas mort en bas âge des trois fils de François de Claris, seigneur de Florian et de Gillette Salgues, née en Espagne mais de religion protestante. Il est baptisé catholique dans l'église de Sauve. Sa mère meurt alors qu'il a à peine quatre ans. Tout comme son père qui demeurera un veuf inconsolable, cette disparition l'affectera très profondément. Ce sont son père et son grand-père Jean qui l'élèvent d'abord au château puis qui l'envoient en pension à Saint Hippolyte du Fort où son intelligence précoce est remarquée.Le frère aîné de son père, Philippe-Antoine, qui se faisait appeler indûment « marquis de Florian » épousa en 1762 une nièce de Voltaire, Marie Élisabeth Mignot. Cet oncle passait un été à Ferney, et le petit Florian l'y rejoignit pour un séjour de trois mois. Voltaire fut charmé par sa gentillesse,  ses reparties vives, sa gaieté naturelle. « Florianet »  - comme le nommait affectueusement le philosophe .                                                                                         

Très peu de temps après, il suivit à Paris son oncle et sa tante qui se chargèrent de la suite de son éducation. Il quittait ainsi quasi-définitivement son pays natal  En fait, on croit savoir qu'il n'y retournera brièvement que deux fois, à Florian en 1780 afin d' inciter son père à vendre le domaine pour éponger les nombreuses dettes familiales puis en 1784 à Durfort, au moment du décès de son père, pour régler la succession.                                                                           

                                                                        

A l'âge de treize ans, il fut placé comme page au service du Duc de Penthièvre; celui-ci possédait un nombre impressionnant de châteaux – où Florian l'accompagna très souvent – Rambouillet, Anet, Sceaux, Bizy Dreux, Amboise, Blois … et l'hôtel de Toulouse à Paris, siège actuel de la Banque de France Il eut la sagesse d'user de son immense fortune au profit de l'indigence et du malheur ce qui lui valut l'estime de beaucoup de ses concitoyens et le mit à l'abri des exactions des révolutionnaires. Suit pour Florian une parenthèse militaire, d'abord comme élève de l'école d'artillerie de Bapaume puis comme officier dans le régiment des dragons de Penthièvre, qui lui fait découvrir, malgré son plaisir de porter un bel uniforme, son peu d'enthousiasme pour le métier des armes. Il parvient à la faire abréger et retourne auprès du Duc qui l'apprécie beaucoup personnellement, le nomme gentilhomme ordinaire de sa Cour et l'associe étroitement à ses œuvres philanthropiques. Florian  avait un petit appartement à Sceaux non loin de la « Ménagerie » où il pouvait travailler au calme et étamer en 1779, sa carrière littéraire ...

                                                                                                                                                                                                                                    

Florian, contrairement aux quelques rares bons auteurs qui émergèrent en ces temps troublés, fut tout à la fois romancier, nouvelliste, poète, comédien, historien et moraliste. Il en résulte que les éditions intégrales de son œuvre occupent jusqu'à seize volumes !                                                                                                                            

On y trouve  des pastorales comme Galatée (inspirée de Galatée de Cervantes), Numa Pompilius (inspiré du Télémaque de Fénelon), Estelle et Némorin ou Gonzalve de Cordoue comme dans sa douzaine de nouvelles, chacune se déroulant dans un pays différent (ce sont Célestine, Sanche,Selmours, Zulbar, Camiré …), un remarquable discours en vers libres Voltaire et le serf du Jura, des poèmes Ruth et Tobie, des courtes pièces de théâtre qui plurent beaucoup dans les salons notamment Les Deux Billets, Le Bon Ménage, Le Bon Père où Arlequin, un personnage simple et bon, est revisité et interprété souvent par lui-même, un Eloge de Louis XII assez plat et qui n'eut pas le succès escompté, et un Précis historique sur les Maures, de meilleure facture et qui sert de préface au poème de Gonzalve de Cordoue et une  traduction de Don Quichotte de Cervantès qui fut critiquée car elle était "une belle infidèle "                                                                                                                    

 

Et bien-sûr, ses fables unanimement considérées comme les meilleures après celles de Jean de la Fontaine                                                                                   *

 

Florian admet lui-même sans détour qu'il est bien loin d'égaler son illustre prédécesseur dans un dialogue fictif intitulé La Fable qu'il place en tête de son recueil et semble se contenter de convoiter cette très lointaine deuxième place que la postérité lui accordera. Mais, occuper sans contestation le second rang, quand on reconnaît au premier un génie unique dans tous les siècles, n'est-ce pas déjà une grande gloire ?On dénombre cent-dix fables publiées de son vivant auxquelles il faut ajouter onze posthumes. Les morales de certains de ses apologues sont encore citées couramment de nos jours comme,« Chacun son métier, les vaches seront bien gardées » (Le Vacher et le Garde-chasse) ou « L’asile le plus sûr est le sein d’une mère » ( La Mère, l’Enfant et les Sarigues ) ou bien encore "Pour vivre heureux, vivons caché" (Le Grillon). Quant aux expressions « éclairer sa lanterne », « rira bien qui rira le dernier », "verser des larmes de crocodile"  ou "réveiller le chat qui dort", elles sont tirées respectivement des fables « Le Singe qui montre la lanterne magique », « Les deux Paysans et le Nuage », «Le Crocodile et l’esturgeon » et « Le Chat et les rats » , elles sont autant de formules souvent reprises de la tradition, mais parfois aussi forgées par Florian qui, par là, fournit autant matière à la sagesse populaire qu’il en tire parti.                                         

 

Florian, dans beaucoup de ses ouvrages et particulièrement ses fables, se fait philosophe et moraliste du quotidien si bien qu'on a pu dire qu'il a été aux Lettres ce que Greuze a été à la peinture. Il l'avoue sans ambages : Je voulus surtout présenter le tableau de ces vertus familières, de ces vertus de tous les jours, les plus utiles peut-être, les plus nécessaires au bonheur. Il cherche sans cesse à faire partager cette forte conviction : l'homme ne peut s'améliorer et rendre le monde meilleur que s'il se libère des passions et exprime des sentiments mêlés de raison.                                                     

Florian caressait un rêve : être admis  le plus possible au sein de l'Académie Française. Il s'en ouvrit au Duc de Penthièvre qui fit le nécessaire. Il n'est donc pas étonnant qu'il ait rendu hommage à son protecteur dès le début de son discours de réception le mercredi 14 mai 1788 dont il affirme que ce fut le plus beau jour de son existence  – il avait alors 33 ans et plus que 6 ans à vivre!-                                                                                                                                                                

Témoin des derniers éclats des Lumières, Florian accueille la Révolution Française avec quelque sympathie bien que très rapidement ses excès lui répugnent                                                                                                                                                                                                        

Pendant trois ans, de 1789 à 1792, il fut commandant de la garde nationale de Sceaux. Après la mort du duc de Penthièvre en mars 1793, il alla habiter Paris, dans la section de la Halle aux Blés. Le décret des 26-27 germinal an II (fin avril 1794) le contraint , comme ex-noble, à s'éloigner de Paris. Il revint donc à Sceaux où il commença à rédiger pour les écoles républicaines un abrégé de l'histoire ancienne qui convienne mieux à l'éducation nationale que les précédents ouvrages écrits sous l'Ancien Régime. Quelques semaines plus tard, il demanda au Comité de salut public l'autorisation de se rendre à Paris, pour accéder aux sources qui lui étaient nécessaires ainsi que pour surveiller l'impression de sa traduction de Don Quichotte. Il joignit à sa demande une attestation de bon citoyen délivrée par sa section et, pour avis, un Hymne à l'Amitié  qu'il dédiait à son ami Boissy d'Anglas, député de l'Ardèche à la Convention. Celui-ci se chargea de recommander le projet éducatif de Florian. Hélas, cette démarche eut un effet néfaste car un des membres du Comité de l'instruction publique auquel elle s'adressait, un certain Gabriel Bouquier, un Montagnard alors très influent, déclara qu'on ne pouvait rien attendre de bon ni d'utile de celui qui avait dédié à la reine un de ses romans (en l'occurrence, Numa Pompilius 1786). Il s'en suivit l'arrestation de Florian et sa détention dans la « maison de suspicion » de Port-Libre (l'ancienne abbaye parisienne de Port-Royal transformée en prison en 1793) où il occupa ses loisirs forcés à écrire un poème en prose, Guillaume Tell ou la Suisse libre. Fort heureusement, la chute de Robespierre intervint assez tôt pour lui épargner le sort funeste de Fabre d'Eglantine et d'André Chénier. Le 18 thermidor (5 Août) très peu de temps après cet événement salvateur soit au vingt-deuxième jour de sa captivité, il plaida sa cause auprès de Barère, qui au Comité de Salut Public était encore provisoirement responsable de la diplomatie, de l'instruction publique et des arts.Trois jours après, Florian était libéré avec l'obligation de retourner dans sa retraite de Sceaux, où il se remit à  travailler à son Guillaume Tell mais il ne put l'achever étant terrassé par de forts accès de fièvre. Atteint par une  phtisie que sa détention et les horreurs de la Révolution n'avaient fait qu'aggraver, il expira le 27 fructidor (13 Septembre). Il avait trente-neuf ans. Il fut inhumé tout à côté de l'église de Sceaux encore pour quelques mois temple de l'Etre Suprême. Ce n'était pas son souhait à en croire l'épilogue d'Estelle et Némorin                  

 

 

Malgré un regain d'intérêt de nos jours pour l'auteur, tout ce qui le concerne n'est pas encore été clairement établi. Par exemple, quelles étaient ses idées religieuses ? Si il accompagna fréquemment dans ses dévotions son pieux et vertueux  protecteur, le Duc de Penthièvre, il le fit d'abord certainement  par devoir et par fidélité.  Fût-il marqué par le fait que sa famille a constamment tangué entre le catholicisme et le protestantisme ? Il ne se livre guère à ce propos. Et son hymne déiste à l'Etre Suprême et à la Nature que n'eût sans doute pas renié Voltaire et dont les derniers vers semblent teintés d'un anticléricalisme légèrement voilé, ne témoigne peut-être, comme parfois chez lui, que d'une prudence de circonstance                                                                                               

Autre demi-mystère, Florian et les femmes ! Il est en effet difficile de faire le tri entre ses amourettes réelles ou fictives, une ou deux réelles inclinations comme celle qu'il eut pour Madame de la Briche ou encore son admiration voire son affection pour la Duchesse d'Orléans à qui il dédie Galatée. Car, Florian donne l'impression de courtiser plusieurs femmes à la fois. Ce qui est certain, c'est qu'il résista jusqu'au bout aux sollicitations de ses proches qui voulaient le marier ; est-ce parce que, comme il le prétendait, il voulait éviter les ennuis ou bien parce qu'il désirait une femme impossible à trouver. Les deux hypothèses sont plausibles.                                                                                                                                                           

 

Quant à la politique, il semble qu'elle ne le passionne guère contrairement à ses compatriotes gardois et contemporains Antoine de Rivarol et Jean-Paul Rabaut Saint Etienne.  S'il a recherché l'appui des puissants, c'est sans doute moins par conviction que parce qu'il y voyait un moyen efficace pour hâter sa renommée littéraire. C'est le même réalisme qui le conduit à masquer, habilement et diversement , des critiques subtiles et des opinions sociales sur la société.                                                                                 

N'oublions pas enfin que beaucoup de vers de Florian furent mises en musique – ils le sont encore actuellement -  dont la célèbre romance « Plaisir d'amour », d'abord connue sous le titre « La Romance du Chevrier », extraite de sa nouvelle Célestine et qui fut mise en musique par le compositeur d'origine allemande Jean-Paul Egide Martini en 1784. Mais il est un musicien beaucoup plus célèbre qu'il faut associer à Florian : Berlioz dont la première composition datée de 1823 – il n'a alors que 20 ans ! - est un opéra intitulé … Estelle et Némorin, œuvre qui ne fut jamais jouée et dont la partition est perdue.  C'est dans ses Mémoires que nous trouvons la clé de ce qui fut une des expressions musicales de son premier chagrin d'amour  ressenti à Meylan par le jeune Hector à l'âge de douze ans.                                                                                                                               

Florian connut indéniablement le succès de son vivant dans une époque qui allait bientôt s'ouvrir au mouvement romantique avec le retour en France de Chateaubriand. Mais cette célébrité ne résista pas à l'épreuve du temps Sans ses fables qui furent familières aux lecteurs du XIXème siècle, et particulièrement aux jeunes lecteurs encouragés par leurs maîtres d'école, Florian serait rapidement tombé dans l'oubli. Même les fables finirent par disparaître des manuels scolaires après une dernière édition de 1935. Le fameux Lagarde et Michard, dans son édition de 1953, octroie généreusement à Florian 3 lignes entre les chapitres entiers qu'il consacre à Bernardin de Saint-Pierre et à André Chénier ...                                                                                                                              

Fort heureusement, les amoureux de la langue d'oc considèrent Florian comme un précurseur en ce qu'il été un des premiers écrivains , sinon le premier, à faire apparaître dans une œuvre entièrement écrite en français, la  traduction en langue occitane d'un poème ; il s'agit de la chanson d'Estelle à Némorin au refrain si charmant :

                  

                   Es moun ami : rendé lou mé   (C'est mon ami : rendez le moi)

                   Aï soun amour, el a ma fé. (J'ai son amour, il a ma foi.)

                                                                                  

L'auteur qui avait appris la langue d’Oc dans ses premières années cévenoles, auprès de sa nourrice, Tourette Dufour, s'explique sur ce qu'il désigne comme son «salut à l'Occitanie » : il est juste de donner au moins une des chansons d’Estelle dans la langue que parlait cette bergère. La voici telle qu’elle a été conservée dans le pays. Or, un jour de mai 1878, deux poètes provençaux « exilés » à Paris , Paul Arène et Valéry Vernier, membres du Félibrige (association littéraire créée  par Frédéric Mistral en 1854 pour favoriser et organiser la sauvegarde et la promotion de la langue d’oc et placée sous le patronage de Sainte Estelle), se rendirent à Sceaux, grâce à la « ligne de Sceaux » (l'actuelle ligne B du RER) créée en 1846 . Ils y découvrirent la tombe de Florian. Il leur revint en mémoire que Florian était languedocien et qu’il avait écrit un poème en langue d’oc. Aussi, décidèrent-ils  de revenir à Sceaux chaque année en pèlerinage. C’est dans le souvenir de Florian que les Félibres ont maintenu cette tradition jusqu'à nos jours avec l’appui du maire et de la municipalité de Sceaux. Tous les ans donc, à la fin du printemps, s'y tiennent des festivités qui rassemblent des milliers de personnes et qui ont été souvent présidées par d’éminentes personnalités littéraires , comme André Chamson et Hervé Bazin ou, plus loin de nous Frédéric Mistral, Anatole France et Émile Zola. C'est dans le discours de ce dernier que j'extrais ces quelques phrases qui me serviront de conclusion :

« Qui sait, mon Dieu ! ce que seront devenus mes couples quand ils auront cent ans ? Peut-être auront-ils plus de rides que les aimables moutons de Florian. On a regretté qu’il n’y eût pas un loup dans sa bergerie. Hélas ! dans ma bergerie à moi, peuplée de loups, ne dira-t-on pas que j’aurais dû au moins mettre un mouton ? Et c’est ainsi qu’il ne faut point sourire de ses ancêtres quand ils n’ont eu que le ridicule d’être trop délicats et trop tendres, de voir la vie dans un rêve trop charmant, une vie de lumière, de bonne et d’éternelle félicité »

 

 

  Biographie réalisée par Jean  Trouchaud 

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